Au fil des ans, j’ai reçu probablement plus de courrier à propos de Mutinerie de l’âme que d’aucun autre de mes essais. De nombreux lecteurs ont été vraiment confortés par le propos de l’article, qui soutenait que la dépression, le TDAH, l’anxiété etc. ne sont ni des dysfonctionnements chimiques du cerveau, ni des troubles mentaux de l’esprit ; ce sont des formes de rébellion légitime contre des modes de vie indignes de notre pleine participation ou de notre attention. Ce sont plutôt les symptômes d’une maladie sociale que ceux d’une déficience personnelle. Comme le disait Krishnamurti, «Ce n’est pas un signe de bonne santé que d’être bien adapté à une société profondément malade».
J’ai aussi reçu mon lot de critiques au sujet de cet article, l’accusant pour la plupart de dogmatisme anti-médicament. Selon ces critiques, les médicaments pharmaceutiques, même si parfois prescrits à outrance, ont un rôle important à jouer, et il est irresponsable pour un profane comme moi, sans formation psychiatrique, de bafouer le consensus scientifique lorsque la vie des gens est en jeu.
Bien qu’ayant déjà eu entre les mains quelques articles scientifiques semant le doute sur les médicaments psychotropes, je n’étais pas en mesure de présenter des arguments de poids contre ces derniers. Ma prise de position venait d’une intuition : «ils ne peuvent pas être bons pour nous.» Or à présent, de plus en plus de fissures sapent l’édifice de l’orthodoxie pharmaceutique. J’ai récemment pris connaissance du travail d’une psychiatre renégate, Kelly Brogan, qui explique que la dépression et l’anxiété, loin d’être les conséquences aléatoires de déséquilibres chimiques dans le cerveau, escamotables par magie grâce aux médicaments, sont en fait les symptômes de quelque chose de plus profond. Dans son essai Suffering : Who Needs it ? (« Qui veut de la souffrance ? » ), elle écrit:
Toute l’approche pharmaceutique de la santé est fondée sur le principe d’une confrontation entre nous et notre corps vulnérable, dangereux, abimé et gênant. Un corps qu’il faut gérer avec des moyens chimiques et remettre à la place qui lui échoit, la soumission à notre précieux fonctionnement. On nous prescrit des médicaments pour inhiber et éliminer des symptômes qui sont en fait des messages importants sur notre état de mal-aise. Nous ne nous interrogeons pas sur le pourquoi, nous n’examinons pas la source de ces symptômes. Nous voulons simplement pouvoir nous remettre au travail. Nous sentir “normaux”.
Un peu plus loin, parlant des psychotropes, elle écrit: «on nous dit que ces médicaments « corrigent un déséquilibre chimique» mais en fait ils font tout le contraire. Ils inhibent la conscience et créent un déséquilibre ».
Dans son nouveau livre, A Mind of Your Own (« Un esprit qui vous appartient »), Kelly Brogan présente une étude scientifique bien documentée qui incrimine les principes et les méthodes des traitements psychotropes. Son verdict, c’est que ces drogues sont pires qu’inutiles. Bien que déjà conscient des faiblesses du raisonnement scientifique justifiant l’utilisation des ISRS et d’autres médicaments, j’ai été choqué par le degré de malversation, de corruption, et de dissimulation décrits dans le livre. C’est un acte d’accusation non seulement de la psychiatrie conventionnelle, mais, implicitement, de notre mode actuel d’acquisition des connaissances, c’est-à-dire de la recherche académique – financée de plus en plus souvent par les entreprises – et du système politique et économique la soutenant.
La psychiatrie moderne, de même que l’approche pharmaceutique qui la domine, est issue de ce même système d’acquisition des connaissances et elle tire son statut et sa légitimité de celui des institutions sociales officielles que sont la science et de la médecine. Nous devrions donc être prudents avant d’accorder trop de poids aux accréditations du Dr Brogan, et nous méfier de notre tendance à prendre un tel livre plus au sérieux du fait qu’il est écrit par une psychiatre accréditée. En affirmant que nous pouvons à présent rejeter les médicaments psychotropes parce qu’une psychiatre authentique le suggère, nous renforçons cette même mentalité de déférence envers les autorités médicales qui nous a induits à placer notre confiance dans le pouvoir des psychotropes. Pourquoi donc, pour reprendre le titre du livre, nos esprits ne nous appartiennent-ils plus ? Nous (le public américain) avons abdiqué notre autorité psychologique en faveur d’experts accrédités, de diagnostics à l’emporte-pièce, et de normes de santé mentale et de bien-être qui coïncident avec une soumission aux structures dominantes de pouvoir et de privilège. Il nous faut penser à nouveau par nous-mêmes.
Cela étant dit, ce livre tire une grande force du fait que cette critique vient d’une initiée et est d’autant plus percutante que l’auteur faisait auparavant elle-même partie des adeptes. Sans être la première révélation de ce genre, celle-ci est particulièrement captivante et méthodique.
Les réactions que le livre a suscitées laissent transparaitre à quel point la psychiatrie pharmaceutique est intégrée aux systèmes politiques et économiques. Le Dr Brogan m’a décrit la consternation de ses publicistes lorsque le livre, qui bénéficiait pourtant du soutien d’une grande maison d’édition (HarperCollins) a été victime d’un boycottage des médias traditionnels (apparitions télévisées annulées, etc.). Peut-être n’auraient-ils pas dû être si surpris, compte tenu du poids du budget publicitaire de l’industrie pharmaceutique. On a du mal à s’imaginer une émission révélant les dangers des médicaments psychotropes, suivie d’une publicité suggérant : « demandez l’avis de votre médecin sur le médicament X».
Néanmoins il serait erroné de croire que le message de ce livre a rencontré une telle résistance de la part des élites du fait d’un simple conflit d’intérêt financier. En tant que pilier du système, les grands médias sont particulièrement friands de crises et de scandales qui renforcent la légitimité et les méthodes de l’autorité existante. Un nouveau virus, une épidémie de E. coli, une attaque terroriste, un criminel en cavale, un scandale de tricherie à l’université… Autant d’incidents qui soulignent la nécessité de meilleurs systèmes de contrôle. Les médias s’en saisissent sans hésitation. La réaction est radicalement différente lorsqu’il s’agit de sujets qui menacent les récits structurant notre société.
Les récits au travers desquels nous expliquons le monde ont une sorte de système immunitaire qui les protège des informations qui pourraient les déstabiliser. Les médias manipulent cette réponse immunitaire en attaquant, en marginalisant ou en ignorant toute critique trop accablante. Du point de vue de celui qui est ancré dans le récit dominant, ces critiques semblent effectivement délirantes ; rien d’étonnant, puisque c’est ce récit qui dicte les limites de ce qui fait partie ou non du réel. De même, il semble irrationnel de remettre en cause le récit selon lequel «quand on est malade, on va chez le médecin et il ou elle nous guérit, au moyen de l’arsenal toujours plus vaste de la médecine moderne», car tant d’autres convictions dépendent de ce récit. Si on le remet en question, on doit également remettre en question l’appareil politique tributaire de ce récit, ainsi que l’idéologie plus profonde d’une marche en avant de la science vers un savoir plus complet et d’une marche en avant de la technologie vers un contrôle plus total. Il n’y a pas que l’intérêt financier des chaines de télévision et de l’industrie pharmaceutique qui soit en jeu.
L’ensemble des récits fondateurs de notre culture constitue un mythe qui infiltre la structure même de la normalité et définit ce qui est réel. La réaction la plus simple au livre du Dr Brogan consiste à dire qu’elle a perdu la raison, et que dans son délire elle s’en prend de façon irresponsable aux fondements de sa profession. Elle a perdu les pédales, elle est hystérique (oui, le fait qu’elle est une femme renforce cette interprétation). Inutile donc de discuter des arguments développés dans son livre, aussi incisifs puissent-ils paraître. A partir du moment où ils contredisent la vérité officielle aussi brutalement, ils doivent forcément être erronés.
Le lecteur remarquera le parallèle entre les accusations de troubles psychologiques chez des dissidents comme Kelly Brogan, et les diagnostics de maladie mentale qui nous sont infligés lorsque notre instinct nous pousse à résister ou à violer les normes sociales établies. Si l’on part du principe que le monde tel que nous l’avons connu est légitime, il va de soi que ceux qui refusent d’y participer pleinement souffrent forcément d’un dysfonctionnement, qu’il soit libellé paresse en termes familiers ou gratifié d’un diagnostic psychiatrique tel que TDAH, dépression ou autre. Le même sort est réservé à ceux qui contestent cette hypothèse sur un plan idéologique ou politique.
Ce qui vaut pour les critiques du système actuel vaut également pour ses alternatives, surtout lorsque celles-ci sont issues d’une autre façon de voir le monde. Sur le plan personnel, les choix de vie menant certains hors des parcours professionnels courants sont perçus par les autres comme naïfs, irréalistes, ou, encore une fois, irrationnels. Quoi, tu as abandonné ton doctorat pour te consacrer à la permaculture ? Tu as arrêté tes études de médecine pour te former à l’acupuncture ? Ceux qui préconisent de tels choix font face à la même incrédulité hostile de la part de ceux qui s’en sentent menacés d’un point de vue idéologique. Si les thérapies non conventionnelles comme l’homéopathie, l’acupuncture, la médecine fonctionnelle, la phytothérapie, et des milliers d’autres fonctionnent réellement, quelle en est la conséquence sur la crédibilité des systèmes qui les ont rejetées et bannies depuis si longtemps ? Quelle en est la conséquence sur l’image de soi et le statut futur des personnes ayant des postes importants dans ces systèmes ? Il n’est jamais facile d’admettre que l’on a eu tort, surtout quand on a bâti sa carrière et gagné sa vie en position d’autorité. Par conséquent, les alternatives qui ébranlent le paradigme (et pas seulement en médecine) déclenchent un degré d’hostilité qui n’a de sens que lorsqu’on réalise l’ampleur de ce qui est en jeu au niveau du récit. Ces alternatives sont souvent discréditées au moyen de l’expression : «pas prouvé de manière scientifique» ; une jolie astuce rhétorique permettant de dépeindre leurs défenseurs comme opposés à la science tout en passant sous silence l’influence qu’exercent l’argent et l’idéologie sur les institutions consacrées à la recherche scientifique et à l’acquisition des connaissances.
Dans le meilleur des cas, les traitements alternatifs et holistiques de la dépression ou autre sont classés dans une catégorie inoffensive appelée «complémentaire», certes généralement tolérée, mais loin d’être enseignée dans les écoles de médecine, ni couverte par les compagnies d’assurance, ni avalisée par le système scolaire. L’acupuncture, par exemple, est acceptée comme thérapie d’appoint à la chimiothérapie. Mais si quelqu’un laisse tomber la chimio entièrement et décide de se rendre dans une clinique de traitement du cancer au Mexique, alors là on bascule vraiment -vous vous doutez de ce que je vais dire – dans l’irrationnel.
A Mind of Your Own adopte une démarche similaire en dépassant le stade de la critique et en proposant un protocole holistique multi-dimensionnel pour traiter la dépression, alliant l’alimentation, l’écologie corporelle, l’exercice et d’autres pratiques. Il est clair que ces pratiques bousculent le paradigme pharmaconeurochimique dominant, et pourtant à première vue on peut se demander si elles s’inscrivent vraiment dans un mouvement radical plus vaste. Après tout, que l’on « remette sur pied le patient » avec des produits chimiques ou avec d’autres moyens, est-ce qu’on n’est pas encore en train de l’aider à s’adapter à une «société profondément malade»? Cette critique est souvent adressée aux traitements de la dépression dits holistiques. J’ai demandé au Dr Brogan d’y répondre, et voici ce qu’elle dit:
Je pars du principe que la dépression est une opportunité de transformation et que, pour beaucoup d’entre nous, la meilleure façon d’aborder cette transformation est d’envoyer au corps des signes de sécurité; c’est-à-dire une réponse alliant régime, exercice, sommeil, et méditation/relaxation. Le but n’est pas de gérer les symptômes. Il s’agit d’une démarche qui vise à résoudre les causes profondes, qui met en lumière les connexions entre différentes fonctions physiologiques que l’on a jusqu’à présent considérées comme étant dissociées. La reconnaissance et l’acceptation de cette invitation engendrent également une prise de conscience de l’intégrité du corps qui pousse à confronter le système médical, le consumérisme et la peur de l’adversité.
De toute évidence, cette approche ne se contente pas de remplacer un cachet de Prozac par une pilule de millepertuis. Dans notre culture de la séparation, nous avons l’habitude de dissocier le physique du psychologique, et, en fonction de nos tendances, de faire passer l’un ou l’autre au second plan ; avec comme résultat d’un côté le dénigrement de certaines maladies, classées comme «psychosomatiques» et de l’autre des préjugés à l’encontre des traitements purement « physiologiques » de la dépression. En fait, les changements au niveau somatique qui nécessitent de la volonté et un engagement, tels que des modifications radicales du régime alimentaire, peuvent entrainer des changements profonds dans la façon dont on aborde la vie et dont on voit le monde. L’état psychologique n’est pas dissocié de la situation liée au mode de vie, aux relations, au travail et au régime alimentaire. La cause et l’effet sont eux aussi indissociables. Une mauvaise alimentation entraine-t-elle la dépression? Ou est-ce la dépression qui entraine une mauvaise alimentation?
L’approche proposée par A Mind of Your Own implique un changement, pas seulement en termes d’alimentation et de mode de vie, mais dans la façon dont on appréhende le monde. Le livre met l’accent sur l’inflammation chronique, cause importante de dépression, corrélée à des médicaments courants ainsi qu’à une flore intestinale déséquilibrée, elle-même découlant de pratiques centrales au mode de vie et de naissance américains. Que ce soit les naissances en milieu hospitalier, les césariennes, les antibiotiques, les statines, les pilules contraceptives, ou même une bonne partie du régime alimentaire occidental standard, beaucoup de ce que l’on considère comme normal, progressif ou moderne rend en fait les gens malheureux. Pour entreprendre les changements prescrits dans le livre, il faut pouvoir rejeter les normes et donc la vision du monde qu’elles traduisent. Celle-ci englobe l’idéologie du progrès, la vénération de la science et de la technologie, et une conception du soi comme distinct du monde extérieur et intrinsèquement en conflit avec lui. Donc, finie la guerre aux microbes ; fini le régime de contrôle pharmaceutique sur les fonctions corporelles.
A l’inverse, les thérapies holistiques que décrit Kelly Brogan sont fondées sur une vision du monde tutélaire, d’interconnexion et d’intégrité, cherchant à coopérer avec la nature plutôt qu’à la conquérir. Cette vision du monde intègre une confiance en la sagesse du corps et en sa capacité innée de guérison. La dépression n’est plus un ennemi à abattre. C’est le symptôme d’un déséquilibre, et la réponse est alors de rétablir l’intégrité à tous les niveaux, y compris celui du travail, des relations et de la vie. Par conséquent, la dépression est aussi une passerelle vers une norme élargie, qui apporte des qualités d’interconnexion et d’intégrité à tous les aspects de la vie.
Je ne dis pas qu’on puisse attribuer directement chaque cas de dépression ou autre maladie à un facteur modifiable par une volonté et une prise de conscience adaptées. La vie est plus mystérieuse que ça. Malgré une pléthore de cartes psychosomatiques du genre rendu célèbre par Louise Hay dans Vous pouvez changer votre vie, les formules simplistes comme “Les problèmes pulmonaires sont liés au chagrin” ou ” Les problèmes de gorge surviennent lorsqu’on ne peut pas exprimer sa vérité ” ne sont pas toujours utiles. Toute maladie grave (je veux dire par là une maladie qui rend la vie normale impossible) est une invitation vers l’inconnu.
La différence entre une thérapie allopathique et une thérapie holistique est que la première rejette cette invitation et cherche à ramener le patient à la normale, à la situation précédente, tandis que la seconde accepte l’invitation et ouvre la porte à un examen de sa vie entière. Cela signifie que toute thérapie, qu’elle soit pharmaceutique, à base de plantes ou diététique, ou même l’utilisation de lumières colorées et de cristaux, peut répliquer la mentalité allopathique lorsqu’elle est réduite à une formule qui efface l’individualité unique du bénéficiaire.
La «totalité de sa vie» se comprend au sens large et inclut le rapport de cette personne avec les autres et avec la société. Pour reprendre les paroles de Krishnamurti, cette épidémie réclame des thérapies d’ordre social, économique et politique, et pas seulement physiologique ou même mental. En d’autres termes, il y a une dimension politique dans l’épidémie de maladies psychiatriques. Elles nous alertent sur une société qui est en effet «profondément malade».
Je pense que nous pouvons aller plus loin que l’aphorisme de Krishnamurti. Pour aller bien dans une société profondément malade, il faut contribuer à la guérison de cette société. A Mind of Your Own ne serait pas complet s’il se contentait de donner des conseils aux personnes en détresse et passait sous silence le système qui leur fait du tort. Parce qu’il y a une dimension politique à l’épidémie de dépression, tout livre véritablement holistique sur ce sujet se doit d’en tirer des conclusions politiques.
Sur le plan sociopolitique, nous sommes face à un choix qui fait écho à la distinction allopathique/holistique : devrions-nous essayer de «remettre sur pied le patient» – notre corpus politique souffrant – ou devrions-nous accepter l’invitation vers l’inconnu? Jusqu’à présent, c’est plutôt le premier choix qui a été fait. Par exemple, après la crise financière de 2008, nous avons soutenu les institutions financières à coup d’« injections» de liquidités pour préserver le système, plutôt que de passer à une économie écologique post-croissance. Après les attentats terroristes de novembre à Paris, la France et l’UE ont renforcé le contrôle sécuritaire, plutôt que d’instaurer une ère de géopolitique post-impériale qui ne soit plus axée sur le maintien de la domination. A la manière d’un toxicomane, nous remédions à l’échec en répétant encore la même erreur, en espérant qu’une gestion plus compétente de la situation permettra de gagner le temps nécessaire pour qu’un miracle se produise.
En ce qui concerne la psychiatrie, A Mind of your Own applaudit l’opportunité d’explorer le nouveau territoire ouvert par l’échec de la psychiatrie pharmacologique. La profession acceptera-t-elle cette invitation ? L’accepterons-nous, quand l’heure viendra, en tant qu’individus ? L’accepterons-nous en tant que civilisation ? la dépression, une des maladies marquantes de notre époque, nous affecte sur le plan collectif aussi bien que personnel. Jimmy Carter l’a définie comme un «malaise». Ses symptômes sont faciles à reconnaître : un comportement mécanique, un manque de vision et de but, l’impression d’être pris au piège dans une situation intolérable mais inéluctable, un pressentiment funeste qui vacille entre anxiété, panique et paralysie, un sentiment d’impuissance, la perte de sa capacité d’action, la disparition de ses objectifs et ambitions préalables. Lors d’un épisode révélateur, George W. Bush, espérant sans doute rallumer la flamme aventurière et audacieuse des missions vers la lune de la génération précédente, annonça le projet d’envoyer un homme sur Mars. Hourra, un nouvel objectif pour susciter notre enthousiasme ! Ça n’a pas marché, n’est-ce pas? La plupart d’entre vous ne se souviennent probablement même pas de cette annonce. Les versions retoquées d’espérances passées ne serviront à rien. Le vieux récit qui avait engendré ces espérances se meurt. Il est temps de cesser de lutter contre l’invitation vers l’inconnu qui nous est proposée par la dépression sur un plan personnel et collectif.
L’époque du soi séparé touche à sa fin. Nous ne pouvons plus supporter de vivre dans ses confins. J’attends avec impatience le jour où les traitements psychiatriques médicamenteux suivront l’exemple de la lobotomie, de la thérapie aux électrochocs, de la camisole de force et des cellules capitonnées, suivis de la disparition de leurs consorts dans divers domaines : prisons, surveillance étatique, pesticides, génie génétique, éducation forcée, occupation militaire, élevage industriel intensif, guerre contre la drogue, austérité économique… tout l’appareil de domination et de contrôle. Voilà pourquoi, même s’il ne cible qu’une fraction des souffrances affectant cette planète, A Mind of Your Own est un livre révolutionnaire. J’espère qu’il sera lu par les nombreux révolutionnaires potentiels parmi les déprimés, les anxieux, et les pharmacodépendants – tous ceux qui se rebellent contre le récit qui domine notre monde.
hello
thank you so much for this post
I didn’t understand WHO wrote this but thank you sooo much for your words, that article “shakes” a very strong echo in me, expressing some ideas I could barely formulate as clearly as it is done here, and with such a deep sense of humanity and “progress”. Thank you!!