La dépression, l’anxiété et la fatigue font partie intégrante du processus de métamorphose actuellement en cours dans le monde et elles ont une importance majeure en raison de l’éclairage qu’elles portent sur cette transition d’un ancien vers un nouveau monde.
Lorsqu’on souffre de fatigue persistante ou d’une dépression qui s’aggrave, et qu’un médecin diagnostique un syndrome d’Epstein-Barr ou une fatigue chronique, une hypothyroïdie ou une carence en sérotonine, nous ressentons en général à la fois du soulagement et de l’inquiétude. De l’inquiétude parce qu’il y a un problème, et du soulagement, parce qu’au moins on sait qu’on ne se fait pas des idées; maintenant qu’un diagnostic est posé, la guérison est proche et la vie pourra reprendre son cours. Mais comme chacun sait, il est très difficile de guérir de ces maladies.
La notion de traitement commence par essayer de comprendre ce qui s’est passé. Mais il y a une autre façon, radicalement différente, d’envisager la fatigue et la dépression, qui consiste demander d’abord : «à quoi le corps, avec sa sagesse innée, réagit-il?» Dans quelles circonstances cette sagesse empêche-t-elle quelqu’un de trouver la force de prendre pleinement part à la vie ?
La réponse saute aux yeux. Lorsque notre corps-âme dit non à la vie, en raison de fatigue ou de dépression, la première question à se poser devrait être : «la vie que je mène est-elle celle qui me conviendrait le mieux actuellement ? Quand le corps-âme dit non à la participation au monde, il faudrait d’abord se demander : «le monde tel qu’il m’est présenté mérite-t-il ma pleine participation?»
Et si le monde allait tellement mal, si les choix de vies et de façons d’être étaient tellement absurdes que la seule réponse saine était le retrait ? Un retrait qui serait suivi d’un retour à un monde, à une vie et une façon d’être totalement différents de ceux laissés derrière nous ?
L’objectif tacite de l’existence moderne semble être de vivre aussi longtemps et aussi confortablement que possible, de minimiser les risques et de maximiser notre sécurité. Cette priorité est en évidence dans le système éducatif, qui s’évertue à nous préparer à être «compétitif» afin que nous puissions «gagner notre vie». Elle est en évidence dans le système médical, dont l’objectif de prolongation de la vie prime sur la question de savoir si, parfois, l’heure n’est pas venue de mourir. Elle est en évidence dans notre système économique, fondé sur la supposition que tout le monde est motivé par « l’intérêt personnel», défini en termes d’argent et assimilé à la sécurité et à la survie. (D’ailleurs avez-vous déjà réfléchi à l’expression « coût de la vie»?) Nous sommes censés être pratiques, pas idéalistes ; nous sommes censés faire passer le travail avant le divertissement. Quand on demande à une personne pourquoi elle continue à faire un travail qu’elle déteste, elle répond bien souvent, “pour l’assurance maladie.” Autrement dit, nous faisons un travail qui nous donne l’impression d’être déjà moribond dans le but de s’assurer de rester en vie. Lorsque nous optons pour l’assurance maladie plutôt que pour la passion, nous optons pour la survie plutôt pour la vie.
Au fond de nous, dans les profondeurs de notre âme, nous ne voulons rien de tout cela. Notre intuition nous dit que nous sommes sur terre pour réaliser un dessein sacré, et que la plupart des emplois proposés ne sont pas à la hauteur de notre dignité d’êtres humains. Mais sans doute n’oserions nous pas quitter nos emplois, nos vies planifiées, notre assurance maladie, tout le confort et la sécurité que nous avons reçus en échange d’une abdication de nos talents divins. Or au fond de nous, notre intuition nous dit que cette sécurité et ce confort font de nous les esclaves d’un salaire, et nous aspirons à être libres.
Du coup, notre âme se rebelle. N’osant faire sciemment le choix d’abandonner une existence d’esclave, nous faisons alors ce choix inconsciemment. Nous n’arrivons plus à trouver l’énergie nécessaire pour aller de l’avant. Pour mettre en œuvre ce retrait de la vie, nous avons recours à divers moyens. Il se peut que nous accueillions dans notre corps le virus d’Epstein-Barr, ou de la mononucléose, ou un autre vecteur de fatigue chronique ; que nous suscitions l’arrêt de nos glandes thyroïdiennes ou surrénales ; que nous induisissions notre cerveau à réduire sa production de sérotonine. D’autres personnes prennent une autre voie et brûlent leur excès d’énergie vitale dans les feux de la dépendance. Quelle que soit la voie, nous refusons d’une manière ou d’une autre de participer. Nous fuyons une complicité indigne à un monde qui a mal tourné. Nous refusons de prêter nos talents divins à enfler davantage l’arrogance de ce monde.
Voilà pourquoi l’approche habituelle, qui consiste à régler le problème en vue de reprendre une vie normale, ne marchera pas. Il se peut qu’elle marche temporairement, puis le corps trouvera d’autres façons de résister. Si on augmente les niveaux de sérotonine en prenant des ISRS, le cerveau éliminera certains des sites récepteurs, pensant dans sa sagesse, “Eh, je ne suis pas censé me sentir bien avec la vie que je mène en ce moment.” Au bout du compte, il y a toujours le suicide, le point final commun à bien des traitements pharmaceutiques visant à nous rendre heureux malgré une situation allant à l’encontre de notre dessein et à notre nature même. On ne peut pas se forcer à accepter perpétuellement l’iniquité. Quand la révolte de l’âme est réprimée trop longtemps, elle peut finir par exploser vers l’extérieur en une révolte sanglante. Il est à noter que toutes les fusillades dans les écoles au cours des dix dernières années ont été commises par des individus prenant des anti-dépresseurs. Toutes ! Si vous voulez avoir un aperçu effarant des conséquences du régime du contrôle pharmaceutique, regardez une compilation des cas de suicide/homicide impliquant des ISRS. Je n’utilise pas l’expression « effarant » à la légère. J’en suis resté littéralement effaré.
Dans les années 1970, en Union soviétique, les dissidents étaient souvent hospitalisés dans des asiles psychiatriques et on leur donnait des médicaments semblables à ceux utilisés pour traiter la dépression aujourd’hui. Selon le raisonnement de l’époque, il fallait être fou pour être malheureux au sein de l’utopie ouvrière socialiste. Lorsque le système qui rend les patients malheureux est aussi celui qui accorde statut et prestige à ceux traitant leur dépression, les médecins sont peu susceptibles de reconnaitre la raison qui motive un tel retrait de la vie de la part du patient. “Le système est forcément sain — après tout, il établit mon statut professionnel — donc le problème est nécessairement en vous.”
Malheureusement, les approches «intégrées» ne sont guère différentes, dès lors qu’elles rejettent la sagesse à la source de la révolte du corps. Quand elles semblent fonctionner, c’est généralement parce qu’elles coïncident avec un autre changement. Lorsque quelqu’un fait l’effort d’aller chercher de l’aide, ou accomplit un changement radical dans son mode de fonctionnement, tout se passe comme si une communication rituelle informait l’inconscient d’un changement de vie authentique. Les rituels ont le pouvoir de transformer des décisions conscientes en une réalité pour l’inconscient. Ils peuvent faire partie de notre processus de reprise de pouvoir.
J’ai rencontré nombre de personnes pleines de compassion, sensibles, se décrivant comme « vivant en conscience» ou « ayant une vie spirituelle riche», et qui ont dû se battre contre le syndrome de la fatigue chronique, la dépression, l’hypothyroïdie, et ainsi de suite. Ces personnes sont arrivées à un tournant crucial dans leur vie où il leur devient physiquement impossible de poursuivre leur ancienne vie dans l’ancien monde. C’est parce qu’en fait le monde qu’on nous présente comme normal et acceptable est tout le contraire. C’est une monstruosité. Notre planète souffre. Si vous avez besoin de moi pour vous en convaincre, si vous n’êtes pas au courant de la destruction des forêts, des océans, des zones humides, des cultures, du sol, de la santé, de la beauté, de la dignité et de la conscience qui sous-tendent le système dans lequel nous vivons, alors je n’ai rien à vous dire. Je ne m’adresse à vous que si vous êtes convaincu qu’il y a quelque chose de profondément erroné dans notre façon de vivre sur cette planète.
Un syndrome du même ordre recouvre divers « troubles » de l’attention et de l’anxiété (pardon, mais je ne peux pas écrire ces mots sans guillemets ironiques) qui manifestent une intuition inconsciente que quelque chose ne tourne pas rond. L’anxiété, comme toutes les émotions, a une fonction appropriée. Supposons que vous ayez laissé une casserole sur le feu et que vous ayez la sensation d’avoir oublié quelque chose sans vous souvenir de quoi. Vous ne pouvez pas dormir tranquille. Quelque chose vous tracasse, quelque chose ne va pas. De façon subliminale, vous sentez la fumée. C’est comme une obsession : est-ce que j’ai laissé un robinet ouvert ? est-ce que j’ai oublié de payer le loyer ? L’anxiété vous tient éveillé et en alerte; elle vous empêche de vous reposer; elle force votre esprit à ressasser, à s’inquiéter. C’est une bonne chose, car c’est ce qui vous sauve la vie. Enfin, vous réalisez : la maison est en feu ! — et alors l’anxiété se transforme en panique et en action.
Donc si vous souffrez d’anxiété, il est tout à fait possible que vous n’ayez aucun «trouble» -il se peut qu’en fait la maison soit en feu. L’anxiété est simplement une émotion indiquant que “quelque chose ne tourne vraiment pas rond et je ne sais pas quoi.” C’est un trouble uniquement lorsqu’en fait tout va bien. “Tout va bien, le problème est en vous”, c’est le message de toutes les thérapies qui essayent de vous réparer. Je ne suis pas d’accord avec ce message. Le problème n’est pas en vous. Vous avez d’excellentes raisons d’être anxieux. C’est l’anxiété qui vous empêche de porter toute votre attention sur le nettoyage de l’argenterie pendant que la maison brûle, de jouer du violon pendant que le Titanic coule. Malheureusement, il se peut bien que l’aberration que vous pressentez soit hors du champ des connaissances des psychiatres qui vous traitent, et qui concluent alors que le problème est forcément dans votre cerveau.
De même, le trouble déficitaire de l’attention, TDAH, et mon préféré, le trouble oppositionnel avec provocation (TOP) ne sont des troubles que si nous pensons que l’objet sur lequel on attire notre attention mérite cette attention. Nous sommes incapables d’admettre, sans remettre en question tout l’édifice de notre système scolaire, qu’il peut être tout à fait sain pour un garçon de dix ans de ne pas vouloir rester assis pendant six heures dans une salle de classe pour apprendre à faire des divisions longues et mémoriser les exploits de Vasco de Gama. Il se peut que la génération actuelle d’enfants, que certains appellent les Indigos, ait simplement une tolérance moindre envers un programme scolaire fondé sur la conformité, l’obéissance, la motivation externe, les réponses juste-ou-faux, la quantification des progrès, les règlements et les sonneries, les bulletins, les notes et un dossier qui vous suit à perpétuité. Alors on essaie de forcer leur attention à coup de stimulants, et de réprimer leur révolte – dont l’intuition est héroïque – contre la machine à démolir les esprits.
Tandis que j’examine les « torts » contre lesquels nous nous rebellons tous, j’imagine entendre certains lecteurs demander : «Qu’en est-il du principe métaphysique selon lequel «tout va bien»? Pas de panique, me disent-ils, rien ne va mal, tout fait partie du plan de Dieu. Tu t’indignes uniquement parce que ta perspective est humaine, donc limitée. Tout cela n’existe que pour favoriser notre développement personnel. La guerre, par exemple, donne aux gens des occasions exceptionnelles de faire des choix héroïques et de se débarrasser d’un mauvais karma. La vie est merveilleuse, Charles, pourquoi te sens-tu obligé de la critiquer ?
Pardonnez-moi, mais en général un tel raisonnement sert surtout à soulager sa conscience. Si les choses vont bien, c’est précisément parce que nous les percevons et les ressentons comme allant vraiment mal. C’est en percevant l’iniquité que nous sommes poussés à la redresser.
Néanmoins, ce serait faire preuve d’ignorance de porter un jugement – par ailleurs contre-productif – sur ceux qui ne voient pas les problèmes et qui, aveugles aux effets de la destruction, pensent qu’à peu près tout va bien. Il y a un processus d’éveil naturel, selon lequel nous avançons tout d’abord pleins d’allant, prenant une part active et convaincue au monde, cherchant à participer à l’ascension de l’humanité. Et puis un jour nous nous trouvons face à quelque chose qui nous perturbe indéniablement : une injustice flagrante, un grave problème de santé ou une tragédie qui nous touche de près. Notre première réaction est de se dire que c’est un problème isolé, que l’on peut régler en s’y attelant sérieusement, vu que le contexte est celui d’un système fondamentalement sain. Mais lorsque nous essayons d’y remédier, nous découvrons des couches d’injustice de plus en plus profondes. La gangrène s’est propagée ; nous réalisons qu’aucune injustice, aucune horreur n’existe de façon isolée. Nous réalisons que les disparitions de dissidents en Amérique du Sud, le travail des enfants au Pakistan, la destruction des forêts d’Amazonie, sont intimement liés sur fond de tapisserie grotesque où figurent tous les aspects de la vie moderne. Nous constatons que l’ampleur des problèmes est telle qu’ils ne peuvent être corrigés. C’est un appel à changer complètement notre manière de vivre, à commencer par nos valeurs et nos priorités les plus fondamentales.
Nous passons tous par ce processus à plusieurs reprises, dans différents domaines de notre vie, et chaque phase du processus est pertinente et nécessaire. La phase de pleine participation est une phase de croissance nous permettant de développer des talents que nous appliquerons plus tard, très différemment. La phase pendant laquelle nous essayons de réparer, de persévérer, d’endurer une vie inacceptable est une phase de maturation nous permettant de développer des qualités de patience, de détermination et de force. La phase de réalisation de l’étendue généralisée du problème est souvent une phase de désespoir, mais pas obligatoirement. Dans le meilleur des cas, c’est une phase de repos, de calme, de retrait, de préparation à l’effort. Un effort comparable à l’expulsion au terme de l’accouchement. Les crises de notre vie convergent et donne le jour à une nouvelle vie, à un nouvel être dont nous ne pouvions imaginer l’existence, même si nous avions parfois capté des rumeurs, des échos, et l’avions peut-être même entrevu ici ou là, par la grâce d’un bref aperçu.
Si vous êtes pris dans ce processus, vous n’êtes pas obligés de souffrir, à condition de coopérer. Je peux vous proposer deux clés. La première, c’est la confiance en soi. Faites confiance à l’instinct qui vous pousse à vous retirer, quand bien même des millions de messages vous disent que « le monde va bien, qu’est-ce qui ne tourne pas rond en vous? Poursuivez donc le programme. » Faites confiance à la conviction intime que vous êtes sur terre pour une raison magnifique, même si mille déceptions ont réitéré que vous n’aviez rien d’exceptionnel. Faires confiance à votre idéalisme, celui enfoui au cœur de l’enfant éternel qui demeure en vous, qui devine la possibilité d’un monde beaucoup plus beau que celui-ci. Faites confiance à votre impatience quand elle dit que «acceptable» n’est pas acceptable. N’assimilez pas votre digne refus de participer à de la paresse et ne le diagnostiquez pas comme étant une maladie. Dans son héroïsme, votre corps a simplement fait quelques sacrifices au service de votre progression.
La deuxième clé que je vous propose, c’est une carte. Le processus que j’ai évoqué n’est pas linéaire, et il se peut que vous vous repassiez parfois par une étape que vous aviez déjà franchie. Lorsque vous découvrirez la vie qui est faite pour vous, lorsque vous découvrirez la meilleure façon d’exprimer vos talents, vous recevrez un signe sans équivoque. Vous vous sentirez plein de vie et d’excitation. De nombreuses personnes vous ont précédé dans ce voyage, et bien d’autres vous suivront à l’avenir. Au fur et à mesure que l’ancien monde s’effondre, les crises annonciatrices du périple s’accumulent. Beaucoup d’autres s’engageront bientôt sur le chemin que nous avons frayé. Chaque périple est unique, mais tous ont en commun la dynamique de base que j’ai décrite. Après l’avoir accompli, et compris la nécessité et la pertinence de chacune de ses étapes, vous serez prêt à guider d’autres à les franchir aussi. Les épreuves vous avez subies au cours de toutes ces années vous y ont préparé. Elles vous ont préparé à faciliter la traversée de ceux qui suivront. Tout ce que vous avez subi, chaque instant de désespoir a été nécessaire pour forger le guérisseur et le guide en vous. Le besoin est immense. L’heure va bientôt arriver.
merci beaucoup pour cette page.